Les années 1901-1920
Je suis né le 8 novembre 1901, cour Gramond à Niort. La maison que louent mes parents jouxte les deux bordels où mon père est cuisinier. De l'autre côté de la rue des Vieux-Fourneaux se trouve la caserne.
Mon prénom officiel est Raymond, mais on m'a toujours appelé Robert. Ma mère m'a raconté que j'ai été baptisé Protestant au champagne, lors d'une grande fête. Dans les contes, lorsqu'une princesse naît, les fées se penchent sur son berceau avec plein de vœux de bonheur. Pour me porter chance, ce sont toutes les femmes des bordels qui sont venues m'embrasser dans mon berceau. J'avais sûrement la peau douce, cela a dû leur plaire, car pendant vingt ans elles m'embrasseront tous les jours !
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Début de siècle.
À Niort mes premières rencontres avec des automobiles furent avec des Renault et des Barré, le constructeur local près de la place de la Brêche. La voiture dont le souvenir persiste encore aujourd'hui dans ma tête c'est la Buire d'Émile Marot, le patron de mon père. Il passait deux fois par jour devant notre maison. Ma curiosité était excitée, principalement dans la montée, par la multitude de bruits provenant du moteur, de la boîte de vitesses et de la transmission.
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Dans l'usine des Automobiles Barré, mon boulot consistait à ajuster les bielles des moteurs pour rattraper le jeu. J'étais assis à un bout. Le moteur passait comme ça d'un poste à l'autre et on lui rajoutait des pièces. Les moteurs venaient de Paris et n'étaient pas complètement montés. Je commençais par ajuster les bielles sur le vilebrequin. Il ne fallait pas qu'il y ait du jeu sinon la bielle ballottait et ça faisait toc toc. Il y avait une demi-coquille qui se séparait. Alors je déposais la bielle et mettais la demi-coquille dans mon étau. Je limais et je rapprochais pour voir si le jeu avait disparu. Je n'avais pas de machine, juste une lime et l'alésoir. Il fallait limer bien droit pour que ça soit d'aplomb. Avec l'alésoir je dégageais pour que ça ne serre pas sur les côtés.
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